Le voyeurisme est un terme à connotation morale, qui décrit un comportement ou une tendance « voyeuriste », c’est-à-dire basé sur l'attirance à observer l'intimité ou la nudité d'une personne ou d'un groupe de personnes dans des conditions particulières en cherchant à y éprouver une jouissance et/ou une excitation (délectation voyeuriste). Les pratiques voyeuristes peuvent prendre plusieurs formes, mais leur caractéristique principale est que le voyeur n'interagit pas directement avec son sujet, celui-ci ignorant souvent qu'il est observé. Le "voyeur" est souvent représenté observant la situation de loin, en regardant par une ouverture, un trou de serrure ou en utilisant des moyens techniques comme des jumelles, un miroir, une caméra, etc. Le comportement qui consiste à être attiré par le fait de voir son/sa partenaire avoir des relations sexuelles, avec une autre personne, s'appellecandaulisme. À la tendance voyeuriste répond la tendance exhibitionniste, avoir plaisir à se montrer, à exhiber plus ou moins ouvertement une part de son intimité. Par extension le terme est également utilisé dans un contexte élargi : par exemple on parle de voyeurisme du téléspectateur face à des images ou événements touchant des personnes humaines dans leur intimité ou dans leur chair. On remarquera que dans un très grand nombre de langues le mot français « Voyeur » a été adopté pour désigner cette pratique. On a ainsi en anglais Voyeurism, en allemandVoyeurismus, en bulgare Воайорство, en bosniaque Voajerizam, en catalan Voyeurisme, en croate Voajerizam, en danois Voyeurisme, en espagnol Voyeurismo, en finlandaisVoyeurismi, en indonésien Voyeurism, en islandais voyeurismi, en lituanien Vojerizmas, en néerlandais Voyeurisme, en polonais voyeuryzm, en portugais Voyeurismo, en russeВуайеризм, en serbe Воајеризам, en slovaque Voyeurizmus, en suédois Voyeurism et en tchèque Voyeurismus.
LE DESIR DES ANALYSTES ET LA POUSSEE DE L’ECRITURE : PLAISIRS DE VOYEUR Comment lire la critique ? Un seul moyen : puisque je suis ici un lecteur au second degré, il me faut déplacer ma position : ce plaisir critique au lieu d’accepter d’en être le confident – moyen sûr pour le manquer –, je puis m’en faire le voyeur : j’observe clandestinement le plaisir de l’autre, j’entre dans la perversion ; le commentaire devient alors à mes yeux un texte, une fiction, une enveloppe fissurée68. ¶37 Jean-Pierre Richard introduit et résume l’une de ses analyses ainsi : Soient ces vingt et un vers détachés, par une coupure bien sûr tout arbitraire, du poème de Hugo, Dieu. Je me propose de les lire selon un parti pris : y suivre le développement d’une rêverie du vide, les divers moments de la relation qui s’y invente entre le je, le je-corps, et la négativité spatiale ; retracer la cohérence de ces scènes, déceler leur lien catégoriel, leur ordre d’enchaînement […]69. ¶38 Ce passage – que j’ai découpé plus arbitrairement dans l’écrit de Richard qu’il ne découpe lui-même les écrits des autres – commence par la confiance d’un critique qui sait ce qu’il fait et ce qu’il fera. Certes, la découpe est arbitraire et a un parti pris70. Mais finalement, c’est peut-être le parti pris de Dieu, l’objet d’analyse. Car si le critique va « retracer la cohérence de ces scènes, déceler leur lien catégoriel, leur ordre d’enchaînement », c’est bien qu’il maîtrise son art. Il paraît clair que l’objet révélera tout ce que le critique veut savoir. Cependant, au moment-même où il allait couronner son succès par avance, Richard hésite. Reprenons juste avant le moment où nous nous étions arrêtés. Il s’agissait donc de : retracer la cohérence de ces scènes, déceler leur lien catégoriel, leur ordre d’enchaînement: et cela jusqu’au point, peut-être, où l’insistance de la vision, à moins que ce ne soient l’urgence du désir, ou la poussée de l’écriture, en viennent à déborder la logique de tous les dispositifs jusque-là machinés, et comme à décatégoriser le paysage, l’ouvrant à ce que Hugo nomme l’inouï71. ¶39 Le point tournant de ce passage (que j’ai délibérément divisé en deux) est sans doute le « peut-être ». C’est là que surgit le doute (après un commencement tout en confiance). Et la formule qui suit n’a déjà plus la force qu’elle aurait pu avoir. En nous présentant dès l’ouverture de son texte le moyen de la mise à nu de son objet – l’« insistance de la vision » – il aurait pu apostiller le présage du triomphe à venir. Et l’objet se serait certainement rendu. ¶40 Mais, vraiment clairvoyant, Richard nous avertit des difficultés du travail72. Peut-être que ce ne sont que« l’urgence du désir ou la poussée de l’écriture » du critique qui accomplissent l’acte final de l’analyse endébordant les catégories et dispositifs proposés par l’analyse elle-même. Dans le texte poussé à bout, qu’est-ce qui se donnerait à voir ? Une chimère surgie d’un délire de l’écriture ? Une réponse sous pression sans valeur de preuve ? ¶41 Peut-être. Mais Richard connaît le désir d’entendre le patient dire ce que l’analyste pense déjà. Et si l’analyste esquisse une analyse de lui-même dans l’acte d’analyse, il est bien dans une position de supériorité double : supérieur au texte mais aussi à son propre traitement du texte. Et lorsque la décatégorisation finira par se condenser dans « l’inouï », une catégorie hugolienne, ce sera bien la preuve qu’il n’y aura eu nulle trahison. Comme chez Descartes, Dieu est au-delà du doute.
Malgré tout ne confondons pas tromperie efficace et représentation picturale très réaliste : un objet qui sort du cadre et peint sur le bord du tableau est souvent un trompe-l’œil destiné à montrer que le reste du tableau n’en est pas un (Voir les écrits de Daniel Arasse : Le Détail, pour une histoire rapprochée de la peinture), une vue en perspective dans un cadre est une représentation, une perspective peinte dans le décor même pour en prolonger la réalité, un trompe-l’œil, comme les moulures et fenêtres décorant les façades italiennes de la Ligurie.
Secret bien gardé ... Aujourd'hui, je voudrais vous présenter un parallèle entre deux tableaux qui sont dans la même veine, c'est-à-dire dans la représentation d'une réalité que l'on ne verra pas mais que le peintre nous suggère, il s'agit du tableau "Le Verrou" peint vers 1777 par Jean-Honoré Fragonard et de celui intitulé "L'homme et la femme"réalisé par Pierre Bonnard en 1900. Bien que quelques deux siècles séparent ces deux œuvres, l'une illustrant le libertinage à la mode au XVIIIème siècle et l'autre l'intimité d'un couple dans sa nudité ce qui est rare pour cette époque dominée par une certaine bienséance bien pensante, elles présentent cependant un certain nombre de points communs. Tout d'abord la tonalité d'ensemble des deux tableaux essentiellement dans les rouges, ocres et blancs, puis le lieu, dans une pièce, vraisemblablement dans les deux cas dans une chambre à coucher, ainsi que la composition avec une nette séparation entre les deux parties du tableau qui pourrait presque faire croire à des diptyques, avec "dans Le Verrou ... la moitié gauche de la toile ... occupée par le baldaquin et le désordre du lit" (1), la moitié droite occupée par le couple enlacé, avec dans la toile de Bonnard, "- à gauche, la jeune femme assise sur un lit jouant avec ses chats dans la lumière ; à droite, l'homme se rhabillant dans la pénombre sur fond de vêtements et de linges blancs éparpillés - isole chaque figure de part et d'autre du montant vertical d'un paravent" (2), puis enfin par le truchement d'un détail, le verrou qu'il faut obstinément fermer pour l'un, le reflet dans un miroir pour l'autre, on peut arrêter la narration du tableau, arrêter le temps et préserver l'intimité des deux scènes que nous ne verrons pas mais que ces deux peintres nous laissent imaginer ... Scènes intimes dans les deux cas, "dont on peut supposer qu'elle montre le couple après l'amour" (2) chez Bonnard, dont on peut supposer qu'elle en est dans les prémisses chez Fragonard, quoique ... "Déplacés loin de la tête du lit ..., les oreillers se dessinent peu à peu pour faire surgir le profil d'une poitrine féminine qui s'enfoncerait dans l'ouverture rougeoyante de la draperie du fond et, en s'entrouvrant, les plis de cette dernière font deviner une secrète intimité, augurer d'un sexe féminin. Au premier plan du lit, rendu visible par le rejet de la couverture, l'angle satiné du drap évoque une cuisse et un genou habillés du même tissu que le jupon de la jeune fille ... Ni narratif ni vide, ce désordre est plein de sens "virtuel". Les pans de tissus qui l'élaborent sont autant de pans de peinture où prend figure la pulsion des personnages, à "l'instant où le tout-puissant désir s'empare des deux êtres et les emporte irrésistiblement" (3)". (1) Le secret reste bien gardé !.... (1) Daniel Arasse, Le détail, Pour une histoire rapprochée de la peinture, p. 354 et p. 356 (2) Bonnard, l'œuvre d'art, un arrêt du temps, catalogue n° 19 (3) J. Thuillier, Tableaux de Fragonard et meubles de Cressent, cité par Daniel Arasse (4) Pour découvrir un peu plus ce tableau de Bonnard, ici
Le voyeurisme est un terme à connotation morale, qui décrit un comportement ou une tendance « voyeuriste », c’est-à-dire basé sur l'attirance à observer l'intimité ou la nudité d'une personne ou d'un groupe de personnes dans des conditions particulières en cherchant à y éprouver une jouissance et/ou une excitation (délectation voyeuriste). Les pratiques voyeuristes peuvent prendre plusieurs formes, mais leur caractéristique principale est que le voyeur n'interagit pas directement avec son sujet, celui-ci ignorant souvent qu'il est observé. Le "voyeur" est souvent représenté observant la situation de loin, en regardant par une ouverture, un trou de serrure ou en utilisant des moyens techniques comme des jumelles, un miroir, une caméra, etc.
ResponderEliminarLe comportement qui consiste à être attiré par le fait de voir son/sa partenaire avoir des relations sexuelles, avec une autre personne, s'appellecandaulisme.
À la tendance voyeuriste répond la tendance exhibitionniste, avoir plaisir à se montrer, à exhiber plus ou moins ouvertement une part de son intimité.
Par extension le terme est également utilisé dans un contexte élargi : par exemple on parle de voyeurisme du téléspectateur face à des images ou événements touchant des personnes humaines dans leur intimité ou dans leur chair.
On remarquera que dans un très grand nombre de langues le mot français « Voyeur » a été adopté pour désigner cette pratique. On a ainsi en anglais Voyeurism, en allemandVoyeurismus, en bulgare Воайорство, en bosniaque Voajerizam, en catalan Voyeurisme, en croate Voajerizam, en danois Voyeurisme, en espagnol Voyeurismo, en finlandaisVoyeurismi, en indonésien Voyeurism, en islandais voyeurismi, en lituanien Vojerizmas, en néerlandais Voyeurisme, en polonais voyeuryzm, en portugais Voyeurismo, en russeВуайеризм, en serbe Воајеризам, en slovaque Voyeurizmus, en suédois Voyeurism et en tchèque Voyeurismus.
LE DESIR DES ANALYSTES ET LA POUSSEE DE L’ECRITURE : PLAISIRS DE VOYEUR
ResponderEliminarComment lire la critique ? Un seul moyen : puisque je suis ici un lecteur au second degré, il me faut déplacer ma position : ce plaisir critique au lieu d’accepter d’en être le confident – moyen sûr pour le manquer –, je puis m’en faire le voyeur : j’observe clandestinement le plaisir de l’autre, j’entre dans la perversion ; le commentaire devient alors à mes yeux un texte, une fiction, une enveloppe fissurée68.
¶37 Jean-Pierre Richard introduit et résume l’une de ses analyses ainsi :
Soient ces vingt et un vers détachés, par une coupure bien sûr tout arbitraire, du poème de Hugo, Dieu. Je me propose de les lire selon un parti pris : y suivre le développement d’une rêverie du vide, les divers moments de la relation qui s’y invente entre le je, le je-corps, et la négativité spatiale ; retracer la cohérence de ces scènes, déceler leur lien catégoriel, leur ordre d’enchaînement […]69.
¶38 Ce passage – que j’ai découpé plus arbitrairement dans l’écrit de Richard qu’il ne découpe lui-même les écrits des autres – commence par la confiance d’un critique qui sait ce qu’il fait et ce qu’il fera. Certes, la découpe est arbitraire et a un parti pris70. Mais finalement, c’est peut-être le parti pris de Dieu, l’objet d’analyse. Car si le critique va « retracer la cohérence de ces scènes, déceler leur lien catégoriel, leur ordre d’enchaînement », c’est bien qu’il maîtrise son art. Il paraît clair que l’objet révélera tout ce que le critique veut savoir. Cependant, au moment-même où il allait couronner son succès par avance, Richard hésite. Reprenons juste avant le moment où nous nous étions arrêtés. Il s’agissait donc de :
retracer la cohérence de ces scènes, déceler leur lien catégoriel, leur ordre d’enchaînement: et cela jusqu’au point, peut-être, où l’insistance de la vision, à moins que ce ne soient l’urgence du désir, ou la poussée de l’écriture, en viennent à déborder la logique de tous les dispositifs jusque-là machinés, et comme à décatégoriser le paysage, l’ouvrant à ce que Hugo nomme l’inouï71.
¶39 Le point tournant de ce passage (que j’ai délibérément divisé en deux) est sans doute le « peut-être ». C’est là que surgit le doute (après un commencement tout en confiance). Et la formule qui suit n’a déjà plus la force qu’elle aurait pu avoir. En nous présentant dès l’ouverture de son texte le moyen de la mise à nu de son objet – l’« insistance de la vision » – il aurait pu apostiller le présage du triomphe à venir. Et l’objet se serait certainement rendu.
¶40 Mais, vraiment clairvoyant, Richard nous avertit des difficultés du travail72. Peut-être que ce ne sont que« l’urgence du désir ou la poussée de l’écriture » du critique qui accomplissent l’acte final de l’analyse endébordant les catégories et dispositifs proposés par l’analyse elle-même. Dans le texte poussé à bout, qu’est-ce qui se donnerait à voir ? Une chimère surgie d’un délire de l’écriture ? Une réponse sous pression sans valeur de preuve ?
¶41 Peut-être. Mais Richard connaît le désir d’entendre le patient dire ce que l’analyste pense déjà. Et si l’analyste esquisse une analyse de lui-même dans l’acte d’analyse, il est bien dans une position de supériorité double : supérieur au texte mais aussi à son propre traitement du texte. Et lorsque la décatégorisation finira par se condenser dans « l’inouï », une catégorie hugolienne, ce sera bien la preuve qu’il n’y aura eu nulle trahison. Comme chez Descartes, Dieu est au-delà du doute.
Malgré tout ne confondons pas tromperie efficace et représentation picturale très réaliste : un objet qui sort du cadre et peint sur le bord du tableau est souvent un trompe-l’œil destiné à montrer que le reste du tableau n’en est pas un (Voir les écrits de Daniel Arasse : Le Détail, pour une histoire rapprochée de la peinture), une vue en perspective dans un cadre est une représentation, une perspective peinte dans le décor même pour en prolonger la réalité, un trompe-l’œil, comme les moulures et fenêtres décorant les façades italiennes de la Ligurie.
ResponderEliminarSecret bien gardé ...
ResponderEliminarAujourd'hui, je voudrais vous présenter un parallèle entre deux tableaux qui sont dans la même veine, c'est-à-dire dans la représentation d'une réalité que l'on ne verra pas mais que le peintre nous suggère, il s'agit du tableau "Le Verrou" peint vers 1777 par Jean-Honoré Fragonard et de celui intitulé "L'homme et la femme"réalisé par Pierre Bonnard en 1900.
Bien que quelques deux siècles séparent ces deux œuvres, l'une illustrant le libertinage à la mode au XVIIIème siècle et l'autre l'intimité d'un couple dans sa nudité ce qui est rare pour cette époque dominée par une certaine bienséance bien pensante, elles présentent cependant un certain nombre de points communs.
Tout d'abord la tonalité d'ensemble des deux tableaux essentiellement dans les rouges, ocres et blancs, puis le lieu, dans une pièce, vraisemblablement dans les deux cas dans une chambre à coucher, ainsi que la composition avec une nette séparation entre les deux parties du tableau qui pourrait presque faire croire à des diptyques, avec "dans Le Verrou ... la moitié gauche de la toile ... occupée par le baldaquin et le désordre du lit" (1), la moitié droite occupée par le couple enlacé, avec dans la toile de Bonnard, "- à gauche, la jeune femme assise sur un lit jouant avec ses chats dans la lumière ; à droite, l'homme se rhabillant dans la pénombre sur fond de vêtements et de linges blancs éparpillés - isole chaque figure de part et d'autre du montant vertical d'un paravent" (2), puis enfin par le truchement d'un détail, le verrou qu'il faut obstinément fermer pour l'un, le reflet dans un miroir pour l'autre, on peut arrêter la narration du tableau, arrêter le temps et préserver l'intimité des deux scènes que nous ne verrons pas mais que ces deux peintres nous laissent imaginer ...
Scènes intimes dans les deux cas, "dont on peut supposer qu'elle montre le couple après l'amour" (2) chez Bonnard, dont on peut supposer qu'elle en est dans les prémisses chez Fragonard, quoique ... "Déplacés loin de la tête du lit ..., les oreillers se dessinent peu à peu pour faire surgir le profil d'une poitrine féminine qui s'enfoncerait dans l'ouverture rougeoyante de la draperie du fond et, en s'entrouvrant, les plis de cette dernière font deviner une secrète intimité, augurer d'un sexe féminin. Au premier plan du lit, rendu visible par le rejet de la couverture, l'angle satiné du drap évoque une cuisse et un genou habillés du même tissu que le jupon de la jeune fille ... Ni narratif ni vide, ce désordre est plein de sens "virtuel". Les pans de tissus qui l'élaborent sont autant de pans de peinture où prend figure la pulsion des personnages, à "l'instant où le tout-puissant désir s'empare des deux êtres et les emporte irrésistiblement" (3)". (1)
Le secret reste bien gardé !....
(1) Daniel Arasse, Le détail, Pour une histoire rapprochée de la peinture, p. 354 et p. 356
(2) Bonnard, l'œuvre d'art, un arrêt du temps, catalogue n° 19
(3) J. Thuillier, Tableaux de Fragonard et meubles de Cressent, cité par Daniel Arasse
(4) Pour découvrir un peu plus ce tableau de Bonnard, ici